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PETITE HISTOIRE DE LA GRAPHIE BASQUE
 

Il est des caractères dont la résurrection récente peut nous paraître surprenante. Il en va ainsi d'un caractère dont les premières utilisations remontent à la fin du moyen âge, puis, ballotté par les modes typographiques, a finalement refait surface au début des années folles pour s'affirmer aujourd'hui comme un passage obligé de la culture Basque.

Ce caractère, c'est l'Euskara.
L'Euskara (qui signifie "Basque" dans cette langue ) est le terme employé pour désigner tout jeu de caractères rencontré aux Pays Basques. Oui, aux pays Basques, car outre la situation géographique à cheval entre France et Espagne, il y a plusieurs pays basques, ou plus exactement, plusieurs provinces aux caractéristiques géographiques et culturelles marquées. Ainsi, les basques entre eux se différencient entre basques de la mer ("itsasoan") et basques de la montagne ("itsasmendi"). Ces différences se sentent aussi entre basques d'une vallée à l'autre...

Un homme a bien connu ces vallées vertes et profondes et a entrepris de faire l'inventaire de tout ce qui y a été écrit, sculpté, gravé. De ses travaux ont ressurgi les lettres Euskara dans les années 30. Cet amoureux de la culture Basque, c'est Mr. Colas. Ce passionné a pris son bâton de pèlerin un jour de 1888 et a battu la contrée de long en large jusqu'à sa mort, à la recherche du moindre écrit d'origine basque. A peine avait-il vent de l'existence d'une stèle mortuaire qu'il montait sur sa mule et partait céans croquer le-dit monument. Ainsi a-t-il pu dénicher dans les hautes montagnes des fortins remontant à l'époque pré-romaine. De ses multiples expéditions, cet homme d'église a tiré un recueil auto-édité pesant plusieurs kilos. Cet ouvrage, pressé à quelques exemplaires à peine, a englouti toute la fortune de notre saint homme à tel point qu'écuré par le peu d'intérêt du public pour son uvre, il finit ses jours seul et retiré du monde.
Quoi qu'il en soit, il aura laissé une véritable encyclopédie en la matière : plus de 500 croquis à main levée et environ 30 photographies sont la trace d'uvres aujourd'hui perdues ou détruites.

L'ouvrage est une référence incontestée dans le domaine.
Hélas de nos jours, trop peu d'exemplaires originaux de ce livre demeurent connus et en état d'être consultés.
Heureusement, en parcourant les pages de ce document, on peut apprendre que la taille des caractères au pays des Vascons (ancien nom des Basques) relevait plus d'une affaire de transmission orale que du savoir écrire. L'héritage principal de ce type de caractère vient des lettres laissées par l'envahisseur romain. Par malice de l'histoire, la forme générale des lettres est parvenue dans cette contrée, mais pas les outils servant à les graver ! Les artisans basques d'alors ne possédant pas la technique métallurgique des romains, leurs outils et taillants ne permettaient pas de graver le caractère en profondeur comme sur les bas-reliefs venus de Rome. Il fallut donc trouver une technique permettant d'écrire les lettres latines : avec des burins rudimentaires et en grattant la pierre autour des lettres, l'écriture devint saillante au lieu de profonde. Cela explique le peu de résistance au temps des textes gravés en basque. En général, les stèles antérieures au 16°siècle sont illisibles.

Mais ce n'est pas tout : la science de l'écriture était alors rare. Combinée à celle de la gravure, c'était un trésor que seules quelques familles de graveurs conservaient jalousement. Ce comportement est à l'origine de la variété des lettres basques, car en plus de se transmettre les techniques de justification sur pierre, les familles se transmettaient la tradition et ses défauts : il n'est pas rare de trouver la même erreur d'orthographe sur toutes les façades des maisons anciennes d'un village. La famille qui officiait dans une vallée s'en assurait tous les écrits. Aujourd'hui encore, il y a des formes de lettres qu'on ne trouve que dans certaines vallées. Ceci est le fruit d'une transmission visuelle et familiale. Comme pour la taille de la pierre, les variantes du jeu de pelote basque se sont localisées par vallées : la voie de communication de l'époque était bel et bien la vallée ! Malgré cela, on retrouve partout l'influence graphique des caractères romains. Bien que les modes typographiques aient bousculé le caractère de type Euskara (notamment la mode helvétique du 16°siècle), le fait que cette contrée soit reculée a favorisé la préservation de l'influence romaine, et pratiquement aucun écrit en basque ne subsiste avec des lettres cursives et helvétiques. Cette homogénéité est flagrante au long des pages du livre de Mr.Colas. Par bonheur, des fondeurs de caractères se sont intéressés à cet ouvrage dans les années 30 et cette veine typographique authentique a pu renaître.

Sur le plan graphique, le caractère est de type romain à empattement large. L'oeil est très gros : n'essayez pas d'utiliser ce genre de lettres pour du texte plein, car une impression de surcharge s'en dégagera bien vite. Là encore, l'habitude d'utiliser cette police de caractères pour les épitaphes de maisons et de tombeaux se fait sentir.
L'allure générale du caractère est assez lourde mais l'utilisation de la dizaine de bas de casse suffit à alléger l'il. Il est d'ailleurs curieux que peu ou pas de minuscules soient présentes dans cette langue alors que des lettres typiquement basques existent (cas du DE interpénétré). Parmi les variantes d'Euskara utilisées en imprimerie offset, les modèles à transfert de LetraSet sont les plus répandus alors que seuls des imprimeurs espagnols possèdent encore des jeux de caractères en plomb. Un cas particulier est à citer : la société Nehaus d'Hendaye possède un jeu de caractères à vocation touristique dont elle se sert pour sérigraphier les panneaux routiers locaux. Enfin, plus récemment, un éditeur de la région de Biarritz a fait un gros effort de recherche et développement pour rendre utilisables les caractères Euskara sur ordinateurs d'imprimerie.

Ainsi, de l'antiquité à nos jours, ce style d'écriture a traversé l'histoire pour se retrouver propulsé à la pointe de la technologie.
Etonnant parcours, non ?

- Thierry ARSAUT -
(contact)


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